Chères Schlierbachoises, chers Schlierbachois

Deux images : sur la première, une petite fille israélienne prise en otage par les terroristes du Hamas après le meurtre de ses parents; sur la seconde, un petit garçon palestinien du même âge couvert de sang et de poussière. Même détresse dans le regard, même incompréhension, mêmes souffrances dues à la folie des hommes. Victimes de la barbarie, ces deux enfants incarnent tout le malheur du monde. On a beau dire que ce conflit entre Israéliens et Palestiniens ne date pas d’aujourd’hui, que cette région du monde appelée «Terre sainte» est sans doute la plus proche de l’enfer, rien ne peut justifier le martyr d’un enfant. Absolument rien, aucun discours, ni politique, ni religieux, ne peut excuser l’inexcusable. 

En écho à cette tragédie, une dynamique de haine et de violence a fait resurgir les vieux démons de l’antisémitisme et attisé l’islamophobie. Comme si les juifs du monde étaient responsables de la politique menée par le gouvernement israélien et comme si tous les musulmans étaient des terroristes... Il a fallu soudain choisir son camp: celui des juifs ou celui des arabes. Colportés allègrement par le crétinisme des réseaux sociaux et des chaînes d’opinion qui, à la télévision, rétrécissent les cerveaux, les amalgames ont fleuri. Ne sait-on pas - ou ne sait-on plus - que mettre tout le monde dans le même sac est parfaitement stupide ? Le recteur de la Grande mosquée de Paris a eu ces mots très justes: «C’est l’heure du choix: pas entre Israël et la Palestine mais entre l’humanisme et l’horreur.»

Dominique Bernard, assassiné par un terroriste islamiste le 15 octobre dernier, avait choisi de transmettre à ses élèves cet humanisme dans lequel s’enracinent les valeurs de la France et de notre république: la dignité humaine, l’esprit critique, la tolérance, le respect. 

Ce professeur de lettres n’aimait pas la fureur du monde. Ses collègues disaient de lui qu’il était «un optimiste qui avait toujours le mot pour rire et la distance nécessaire par rapport aux choses». Dominique Bernard est mort d’avoir voulu protéger ses élèves et ses collègues mais aussi, comme Samuel Paty trois ans plus tôt, d’avoir fait son métier. L’enseignant est, pour les fanatiques de tout poil, une cible à abattre car c’est lui qui apprend aux jeunes à réfléchir et à rejeter l’idée d’une société où certains seraient des bourreaux et les autres des esclaves. Tuer un professeur c’est faire taire l’intelligence et le savoir.

Si les événements du Proche-Orient ont amplifié le fracas du monde, la peste nationaliste a continué de contaminer la planète. L’Azerbaïdjan a foulé aux pieds le droit international en annexant une partie de l’Arménie voisine dans une indifférence générale et avec la complicité de la Turquie. Des bruits de bottes résonnent déjà en Amérique du sud où le Venezuela a affiché des prétentions sur le territoire du Guyana afin de mettre la main sur de nouveaux gisements d’hydrocarbures. En rouvrant les poubelles de l’Histoire, Vladimir Poutine a encouragé d’autres apprentis-dictateurs à faire de même. Ces marchands de guerre sont fiers de vanter la grandeur de la patrie et une prétendue «sacralité» du territoire national qui se fiche éperdument des frontières. Pour eux, la loi du plus fort doit l’emporter. Justification de la violence la plus brutale et promesse d’une vertigineuse régression de la civilisation. L’histoire de l’humanité est pleine de ces discours et de ces aventures nationalistes qui ont mené au désastre. Sans remonter à l’Antiquité, les guerres mondiales du siècle dernier en portent encore le terrible témoignage. «La principale leçon de l’Histoire est que l’espèce humaine est incapable d’apprendre», disait Winston Churchill. Le grand homme britannique ne demandait pourtant qu’à être convaincu du contraire.

Sur notre continent, l’Union européenne est le seul antidote à ce poison du repli sur soi et du fantasme identitaire qui mènent inexorablement à la catastrophe. Sept ans après le Brexit, nos amis anglais s’en mordent les doigts. Les discours anti-européens propagés par les partis d’extrême droite n’ont comme seul argument que la peur de perdre une identité nationale supposée menacée de l’intérieur et de l’extérieur. 

70 années de paix, de coopération et d’amitié entre les peuples et les états ne compteraient-elles donc pas ?  Serions-nous décidés à y mettre fin ? Mesure-t-on vraiment ce que nous risquons de perdre ? Nous vivons les uns à côté des autres, les uns avec les autres. Le «chacun pour soi» est une ineptie, un marqueur de la bêtise humaine. Faut-il rappeler que notre continent a été un champ de bataille presque ininterrompu depuis l’Antiquité ? Au moment de voter pour les élections européennes prévues en juin prochain, l’ignorer serait impardonnable.

Que nous est-il permis d’espérer pour 2024 ?

D’abord, un sursaut d’intelligence et la volonté d’agir pour relever le défi du réchauffement climatique que certains s’obstinent encore à nier ou relativiser en dépit des catastrophes de l’année écoulée. 

Le cyclone Daniel dans le sud-est de l’Europe et en Libye a fait plus de

11 000 morts et les incendies au Canada et en Grèce ont détruit des millions d’hectares. En France, après une longue période de canicule et de sécheresse, de violentes tempêtes automnales ont touché de nombreuses régions avec leur cortège de pluies dévastatrices. L’urgence ne peut attendre. Au risque de se répéter, elle implique une mobilisation générale.

Après des débuts peu encourageants, la COP 28, conférence des Nations unies sur les changements climatiques, a abouti à un résultat satisfaisant. Le bilan mondial a reconnu les données scientifiques qui indiquent que les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites de 43% d’ici à 2030, par rapport au niveau de 2019 et pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°.

La conférence s’est achevée sur un accord qui marque le « début de la fin » de l’ère des combustibles fossiles. C’est un pas qui va dans la bonne direction et qui engage tous les pays du monde. Dans l’immédiat, les efforts déjà entrepris doivent être poursuivis et d’abord par chacun d’entre nous : économiser les ressources naturelles, favoriser les déplacements doux, protéger la biodiversité, produire moins de déchets, les trier et les valoriser convenablement. 

Sans prétendre être exemplaire, la commune de Schlierbach s’est impliquée dans cette démarche depuis déjà plusieurs années. 

En 2023, les résultats ont été encourageants: les nouveaux choix en matière de fleurissement nous ont permis de diviser par deux la consommation d’eau et une tonte moins fréquente s’est révélée plus respectueuse de la biodiversité. La plantation d’arbres et d’arbustes s’est poursuivie, l’équipe des Lions verts s’est étoffée pour continuer le Défi-déclic et proposer de nouvelles actions et, avec l’aide de Saint-Louis agglomération, de nouveaux points d’apport volontaire pour les déchets alimentaires ont été installés dans le village. Je n’oublie pas, bien sûr, le sentier de l’Amitié inauguré le 1er octobre dernier qui donne l’occasion aux habitants de Schlierbach, de Landser et de Dietwiller de se déplacer d’une commune à l’autre sans prendre la voiture ou marcher le long des grands axes de circulation.

Le sursaut d’intelligence et la volonté d’agir concernent aussi les fondements de notre république, sérieusement ébranlés dans les actes et les mots. Les émeutes urbaines consécutives à la mort d’un jeune de banlieue tué par un policier, ont mis en scène des adolescents pillant des magasins, incendiant des écoles et des bibliothèques et s’en prenant même au maire de l’Haÿ-les-Roses en tentant de mettre le feu à sa maison. Spectacle affligeant et récupération politique tout aussi affligeante avec une extrême gauche refusant d’appeler au calme et ciblant la police d’une façon irresponsable, et une extrême droite manipulant les événements en fustigeant l’impuissance du gouvernement et désignant tous les jeunes de banlieue comme des barbares en puissance (il est si facile d’instrumentaliser les faits divers pour sa clientèle électorale).

Restaurer l’autorité et rappeler de façon claire les droits et les devoirs 

de chacun sont essentiels pour préserver l’unité de la nation et sauver 

les valeurs qui font l’honneur de la France et de la démocratie. On n’y parviendra ni par la stigmatisation, ni par la diabolisation, ni par la xénophobie mais par l’éducation. En partenariat avec les professeurs de l’école élémentaire, le Conseil municipal poursuit avec les élèves du Cours moyen l’apprentissage de la citoyenneté à travers les thèmes du respect de l’autorité et de la loi, de l’engagement solidaire et environnemental, 

de la sécurité, du devoir de mémoire, des valeurs du sport et des dangers d’Internet. Cette éducation aux «valeurs humanistes», accompagnée d’actions concrètes sur le terrain, doit apprendre à chacun comment il peut contribuer au bien-être de tous.

Dans une société tentée par les divisions, vivre ensemble doit garder tout son sens. La manifestation, 1,2,3 Bougez, qui encadrait l’inauguration du sentier de l’Amitié en octobre dernier s’inscrit dans cet objectif. L’évènement a été préparé avec brio par une équipe intercommunale qui réunissait des élus et des non-élus de Schlierbach, Dietwiller et Landser. Le succès a été au rendez-vous. Certes un beau soleil d’automne a accompagné les participants mais en plus de cette météo clémente, nous avons tous ressenti le plaisir de nous retrouver et de faire du sport ensemble. Davantage qu’un évènement, la première édition de «1,2,3 Bougez !» a été une fête.

Vivre ensemble c’est aussi encourager la vie associative.

Pour renforcer le lien social, si précieux, les associations ont besoin de votre soutien et de votre présence.

Musique, sports, théâtre, danse, activités de bien-être, ateliers de peinture, sculpture, couture... L’offre dans notre commune est diverse et concerne tous les âges. Partager des émotions, une passion, un centre d’intérêt, le plaisir de se rencontrer, de s’écouter, de se parler mais aussi d’assister à un spectacle ou à une fête, rien de tel pour chasser la grisaille des temps ! 

La bonne entente et la préservation de l’harmonie dans notre commune sont, depuis bientôt dix ans, une préoccupation essentielle de l’équipe municipale. Les réunions publiques de mi-mandat nous ont permis de faire le point avec vous sur notre démarche environnementale et sur les autres projets en cours. Elles ont été aussi l’occasion de nous mettre à votre écoute, de prendre en compte vos avis et vos souhaits. Ces rencontres sont indispensables pour consolider le lien entre vous et nous et renforcer la confiance que vous nous témoignez. 

On pourrait, à l’aube de cette année nouvelle, se dire que le monde change et admettre qu’après tout, on n’y peut rien et qu’il faut aller dans le sens des vents même s’ils sont mauvais. Une telle vision des choses manque singulièrement de courage et de dignité. Les défis sont là, nombreux, compliqués, urgents, tant à l’échelle nationale (la défense des valeurs démocratiques et républicaines) qu’à celle de la planète. L’histoire nous rappelle que c’est à chaque fois, ensemble et unis, que nous pouvons les surmonter.

«Il n’y a rien de négatif dans le changement si c’est dans la bonne direction», disait aussi Winston Churchill. 

Cette direction-là, les navigateurs savent qu’on peut la suivre, même par vent contraire, pour atteindre son but.

Que 2024 exauce vos voeux et que la boussole de la raison, de la fraternité et de l’espoir vous guide !

Bernard Juchs, maire de Schlierbach